La peseta espagnole fut la monnaie de l’Espagne de 1868 à 2002, soit pendant 134 ans. Cette devise, dont le code ISO était ESP, a accompagné le pays à travers républiques, monarchies et dictature avant de céder sa place à l’euro. Avant son apparition, les Espagnols utilisaient un ensemble de monnaies comme le réal, l’escudo ou encore le peso, hérité des colonies américaines. Voici l’histoire complète de ces devises qui ont façonné l’économie espagnole.
| Période | Monnaie principale | Contexte politique |
|---|---|---|
| Avant 1868 | Réal, Escudo, Peso, Maravedí | Système éclaté |
| 1868-1931 | Peseta | Monarchie constitutionnelle |
| 1931-1939 | Peseta républicaine | Seconde République |
| 1939-1975 | Peseta franquiste | Dictature |
| 1975-2002 | Peseta démocratique | Monarchie parlementaire |
| Depuis 2002 | Euro | Zone euro |
📋 L’essentiel à retenir
- La peseta remplace l’escudo en 1868 suite à la Révolution « La Gloriosa »
- Les « perras gordas » et « perras chicas » ont circulé pendant 73 ans sous tous les régimes
- L’iconographie des pièces reflète chaque période politique (République, Franco, démocratie)
- Le taux de conversion fixe reste 1 euro = 166,386 pesetas
- Vous pouvez encore échanger vos pesetas sans limite de temps auprès de la Banque d’Espagne
Comment est née la peseta en 1868 ?
La Révolution de septembre 1868, baptisée « La Gloriosa », provoque le départ en exil de la reine Isabelle II. Ce bouleversement politique ouvre la voie à une modernisation profonde du système monétaire espagnol. Le 19 octobre 1868, une loi institue la peseta comme unité unique, éliminant enfin la confusion créée par la circulation simultanée de dizaines de devises différentes.
Cette nouvelle monnaie se divise en 100 céntimos (centimes) et reçoit le code international ESP. Elle remplace l’escudo dans le but de simplifier le commerce et d’aligner l’Espagne sur les normes européennes.
Le mot « peseta » circulait déjà dans les conversations bien avant sa consécration officielle. En 1808, l’armée napoléonienne frappe des pièces portant ce nom durant l’occupation. Sous Isabelle II, des pièces d’une peseta servent à rémunérer les soldats de la guerre Carliste, qui héritent du surnom de « peseteros ».
Son étymologie divise les linguistes. Certains y voient un dérivé du français « piécette », quand d’autres penchent pour un diminutif de « peso », en référence aux monnaies d’argent du Nouveau Monde. Le suffixe « eta » évoque une influence catalane ou française.
Le langage populaire forge aussi le terme « duro » pour désigner les pièces de 5 pesetas. Ce mot, signifiant « dur » ou « fort », souligne la robustesse de ces monnaies et restera dans le vocabulaire jusqu’à l’euro.
Quelles monnaies circulaient avant la peseta ?
Avant le XIXe siècle, l’Europe voit circuler librement une multitude de devises par-delà les frontières. L’Espagne utilise alors une monnaie de compte, le Réal, qui sert de référence aux transactions tout en coexistant avec d’autres unités.
Le Réal se décline selon les métaux. Les reales de vellón sont frappés en billon, un alliage de cuivre et d’argent, tandis que les maravedís constituent la plus petite subdivision. Cette fragmentation complique les échanges quotidiens pour commerçants et voyageurs.
L’Escudo représente la devise officielle jusqu’en 1868. À ses côtés circulent les pesos, ces monnaies d’argent venues des colonies américaines qui ont longtemps alimenté l’économie. Dans une même journée, vous auriez pu manipuler une dizaine de devises selon les régions.
Ce désordre freine le développement commercial. L’unification monétaire s’inscrit dans un mouvement européen global où chaque nation affirme sa souveraineté via une devise unique et stable.
Quelles étaient les pièces emblématiques de la peseta ?
Certaines pièces sont devenues de véritables icônes culturelles. Leur design reflète les transformations politiques du pays, transformant chaque monnaie en témoin historique.
Les célèbres « perras gordas » et « perras chicas »
Les pièces de 10 et 5 centimes émises dès 1868 héritent de surnoms mémorables : perra gorda (grosse chienne) et perra chica (petite chienne). Cette dénomination naît d’une confusion : le lion du revers, tenant l’écu aux armes de Castille, Leon, Aragon, Navarre et Grenade, est pris pour un chien.
L’avers présente Hispania, une figure féminine allongée sur les Pyrénées. Elle porte un rameau d’olivier et une couronne crénelée, symboles de paix et de souveraineté populaire plutôt que royale. Cette iconographie progressiste circule 73 ans.
Ces pièces traversent tous les régimes de 1868 à 1941 : gouvernement provisoire, monarchies, Première République, Restauration, Seconde République et franquisme naissant. En 1941, Franco interdit leur circulation. Le cuivre récupéré électrifie les trains vers Avila et Ségovie. Des pièces en aluminium les remplacent, montrant un cavalier brandissant sa lance.
Les pièces sous la Seconde République (1931-1939)
Après le 14 avril 1931, les nouvelles frappes affichent « REPUBLICA ESPAÑOLA ». Leur symbolique rompt avec le traditionalisme monarchique.
La pièce de 25 centimes de 1934 illustre l’alliance paysans-ouvriers. Un épi de blé côtoie une roue d’engrenage, unissant agriculture et industrie dans une vision progressiste claire.
La peseta de 1937 reçoit le surnom « uvas » pour la grappe de raisin à son revers. D’autres émissions montrent des chaînes brisées sur un livre marqué « CIENCIA », valorisant l’éducation contre l’obscurantisme.
Durant la guerre civile, anarchistes et syndicalistes pratiquent des surfrappes politiques. La FAI ou l’UGT ajoutent des messages comme « obreros no votar », témoignant de l’effervescence révolutionnaire.
Les monnaies sous les régimes monarchiques
Sous Alphonse XII (1875-1885), la Restauration ramène massivement les symboles royaux. Couronne et fleurs de lys bourbonesques ornent les armoiries. L’inscription « Rey Constitucional de España » affirme la légitimité monarchique.
Son fils Alphonse XIII monte sur le trône en 1886 à un an. Les pièces de 1887 montrent son visage d’enfant, lui valant le surnom « pelón » (chauve). Ce terme aurait peut-être inspiré l’argot « pela » pour parler d’argent. En 1926, la dictature de Primo de Rivera supprime « Constitucional », marquant le tournant autoritaire.
Après 1975, Juan Carlos Ier accompagne les dernières années de la peseta jusqu’en 2002. Son inscription devient « Juan Carlos Rey de España ». Le Mondial 1982 en Espagne inspire des éditions commémoratives désormais prisées des collectionneurs.
Comment la peseta a-t-elle traversé la période franquiste ?
La victoire nationaliste de 1939 transforme radicalement l’iconographie monétaire. Le régime efface toute trace républicaine en imposant le portrait de Franco avec l’inscription « FRANCISCO FRANCO, CAUDILLO DE ESPAÑA POR LA G. DE DIOS ». Cette formule place le dictateur dans une légitimité divine.
Les symboles phalangistes envahissent les pièces : joug et flèches, empruntés aux Rois Catholiques, accompagnent la devise « Una, Grande y Libre ». Les armoiries reposent sur un aigle impérial, référence au passé de conquête.
L’autarcie économique impose l’aluminium pour remplacer argent et cuivre. En 1940, les nouvelles « perras » aluminium montrent un cavalier, effaçant Hispania. Une curiosité : la pièce de 50 centimes (1949-1963) est trouée au centre, conception rare à l’époque. L’iconographie évolue avec deux portraits successifs reflétant le vieillissement du dictateur.
Durant la guerre civile (1936-1939), chaque camp frappe ses monnaies. Les républicains utilisent le bonnet phrygien et des motifs progressistes, tandis que les nationalistes préfèrent cathédrales et croix, présentant leur lutte comme une « croisade » catholique.
Que s’est-il passé lors du passage à l’euro ?
Le 1er janvier 2002, l’Espagne adopte l’euro, mettant fin à 134 ans de peseta. Les nouveaux billets et pièces deviennent monnaie légale. Une double circulation de deux mois facilite l’adaptation progressive de la population.
Le 28 février 2002, la peseta perd son cours légal. Le taux de conversion fixe s’établit à 1 euro = 166,386 pesetas. Ainsi, 100 pesetas équivalent à 0,60 euro environ. Ce taux reste valable pour tout échange actuel.
L’intégration à la zone euro concrétise l’adhésion européenne amorcée en 1986 avec l’entrée dans la Communauté économique. Pour beaucoup, ce changement dépasse le simple aspect monétaire : il symbolise l’ancrage dans l’Europe démocratique après l’isolement franquiste.
L’impact psychologique est réel. La peseta incarnait révolutions, républiques, dictature et démocratie retrouvée. Son abandon suscite une nostalgie chez ceux qui ont grandi avec elle, même si la stabilité de l’euro s’impose rapidement dans les faits.
Peut-on encore échanger des pesetas aujourd’hui ?
Si vous possédez d’anciennes pesetas oubliées dans un tiroir ou héritées, deux voies s’offrent selon leur nature.
Échange auprès de la Banque d’Espagne
Contrairement aux idées reçues, l’échange reste possible sans limite temporelle. La Banque d’Espagne (Banco de España) accepte toujours billets et pièces à leur valeur convertie en euros.
Rendez-vous simplement dans les bureaux de Madrid ou certaines succursales régionales avec vos pesetas et une pièce d’identité. Le calcul applique le taux de 166,386 pesetas pour 1 euro. Résultat : 100 pesetas rapportent 0,60 euro, 1 000 pesetas environ 6 euros.
Cette possibilité sans échéance distingue l’Espagne d’autres pays européens ayant fixé des dates limites. Toutefois, vérifiez d’abord la nature de vos pièces : certaines dépassent largement leur simple valeur nominale.
Valeur numismatique des pièces rares
Le marché des collectionneurs valorise parfois bien au-delà de la valeur faciale. Trois critères comptent : rareté, état de conservation et période historique.
Les pièces prisées incluent :
- Émissions de la Seconde République (1931-1939), notamment avec surfrappes anarchistes
- Monnaies en or des époques monarchiques
- Éditions commémoratives limitées
- Anciennes « perras gordas » en excellent état de 1868-1870
- Frappes locales de la guerre civile
Avant de les échanger à valeur nominale, consultez un expert numismate. Une pièce apparemment ordinaire peut valoir plusieurs dizaines, voire centaines d’euros selon son histoire. Des sites spécialisés et maisons de vente offrent des expertises gratuites.
Quelle est la monnaie utilisée en Espagne actuellement ?
Depuis le 1er janvier 2002, l’euro (symbole : €, code ISO : EUR) constitue l’unique monnaie légale en Espagne. Le pays figure parmi les membres fondateurs de la zone euro avec l’Allemagne, la France, l’Italie et huit autres nations.
Les pièces espagnoles portent des faces nationales distinctives. Depuis 2014, elles affichent le portrait du roi Felipe VI, successeur de Juan Carlos Ier. D’autres représentent la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle ou Miguel de Cervantes.
Pour voyager en Espagne, retenez ces informations pratiques :
- Les cartes bancaires passent partout, des restaurants aux petits commerces
- Les distributeurs (cajeros) équipent toutes les localités
- Aucun frais de change pour les résidents de la zone euro
- La Banque Centrale Européenne garantit la stabilité monétaire
Cette intégration facilite voyages et transactions commerciales entre pays européens, même si certains Espagnols convertissent mentalement les prix en pesetas pour évaluer le coût réel.


